Entretiens

Territory

Découvert en 2019, le EP Times, New Romance de Territory nous avait conquis avec son maelstrom de guitares mélancoliques et vaporeuses. Deux ans plus tard, Adrien (chant/guitare) et Martin (guitare) nous annoncent la sortie prochaine de leur premier album. S’ils ont souhaité évoluer vers un son plus lourd et direct, leur style, à la croisée du post punk et du shoegaze, reste intact.

Territory (© Sarah Willmeroth)

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Martin : Avec Adrien on sortait dans les mêmes bars à Paris, on a sympathisé et on s’est rendu compte qu’on avait les mêmes goûts musicaux. Quand on s’est rencontré on était chacun dans des groupes différents, et puis on s’est retrouvés ensemble dans un groupe punk : je jouais de la basse et Adrien de la guitare. Le groupe n’a pas trop marché et on souhaitait faire autre chose musicalement. Entretemps, on a rencontré Alex, notre bassiste. A nous trois, on formait le noyau dur de Territory. 

Adrien : C’est un peu une mafia, tout le monde se connaît, on traîne tous dans les mêmes endroits et tout le monde se récupère dans les groupes.

Partagez vous tous les quatre les mêmes influences musicales ?

Martin : Adrien et moi on a globalement les mêmes influences. On est né dans les années 90, on a grandi avec la culture skate et toute la musique qui allait avec. On se retrouve dans le grunge, le shoegaze, le post punk et plein d’autres choses. On écoute beaucoup de musique et on a un petit jeu entre nous qui consiste à se faire découvrir en premier un nouveau groupe.

Late Night un des titres de l’EP Times, New, Romance

Les membres du groupe participent tous à l’écriture des morceaux ?

Martin : C’est Adrien qui s’occupe de l’écriture des paroles et tout le groupe participe à la composition. Au tout début, on composait pendant les répétitions, maintenant chacun créé des maquettes de son côté. Ca nous semble plus productif.

Adrien : Oui chacun amène sa boucle ou même quelquefois une chanson entière qu’il a faite chez lui. Si tout le monde aime la maquette on la bosse tous ensemble sinon on passe à autre chose. Faut vivre avec son temps et c’est vrai qu’on a tout ce qu’il faut dans un home studio pour sortir des trucs très corrects. De nos jours, ça va même encore plus loin, regarde les deux membres du groupe The Postal Service, ils s’envoyaient carrément des pistes audios par la poste, c’est comme ça que ce groupe est né.

Ironie du sort vous avez signé en février 2020 avec le tourneur Pilori Prod, peu de temps avant le premier confinement. Durant ces 12 derniers mois, est-ce que vous avez pu faire des concerts ?

Martin : Une seule fois, entre les deux confinements on a joué au Trobendo, c’était super cool, on avait appelé ça “Le dernier concert avant la fin du monde” parce qu’on savait que tout allait être de nouveau fermé. C’était archi complet et on avait tout donné. C’est la seule chose que l’on ait faite en un an. Le problème c’est que l’on se sait pas quand on pourra rejouer …

Adrien : Chez Pilori il y a une fille, Flavie, qui s’occupe de nous et elle avait déjà trouvé des nouvelles dates, notamment en Bretagne, mais elles ont toutes été reportées puis finalement annulées. Prochainement, on a un concert de prévu le 24 avril pour la release party de l’album, mais on ne sait même pas si on va pouvoir le faire. On est dans le flou total, et jouer devant un public assis et masqué ça nous sera difficile parce qu’on a besoin de l’énergie du public.

Est-ce que vous vous impliquez dans tout ce qui tourne autour du visuel, notamment les pochettes ?

Martin : L’image d’un groupe c’est super important, surtout aujourd’hui. Malheureusement, ça joue énormément sur la balance, tant sur le visuel d’une pochette que sur ce que le groupe dégage.

Adrien : On aime bien travailler avec des gens que l’on connaît, des potes que l’on trouve talentueux, c’est toujours intéressant ces échanges entre artistes. Par exemple, pour l’album on a bossé avec un de nos amis, Jamie Parkhurst, qui est peintre. On a voulu faire comme une collection de peintures. On s’est inspirés de ce qu’avait fait Jackson Pollock avec les Stone Roses sur leur premier album.

Concert à la Boule noire 2020 (© Sarah Willmeroth)

C’est lui qui avait déjà travaillé sur le EP Times, New, Romance?

Adrien : Non pas du tout, la pochette a été réalisée par Edouard Spriet que l’on a découvert par hasard sur Instagram.

Parlons de votre nouvel album, où en êtes-vous dans l’enregistrement ?

Adrien : On a fait toutes les prises l’année dernière. On vient de terminer le mixage et là il part au mastering. L’album contiendra 10 nouveaux morceaux, aucun ne sera repris de l’EP.

La sortie est prévue pour quand ?

Martin : On vise avril. Mais on est dans une sorte de dilemme : soit on attend et on sort l’album à un moment où on pourra le présenter en live, faire une vraie release party, soit c’est trop long et on le sort en avril en ne sachant pas quand on pourra le jouer devant un public.

C’est une réflexion que doivent avoir pas mal de groupes en ce moment

Adrien: Oui on a pas mal de potes qui ont des groupes et ils ont tous un album dans les tuyaux. Tout le monde attend le bon moment pour le sortir. Le souci c’est que l’essentiel de nos revenus provenait des concerts, et à notre niveau ce n’est pas avec le streaming que l’on va gagner de l’argent.

Satisfied single du prochain album

Vous comptez sortir l’album en vinyle ?

Martin : On ne sait pas encore car l’album est totalement autoproduit. Nous l’avons entièrement financé, maintenant on va se mettre à la recherche d’un label. On a déjà fait écouter l’album à quelques-uns d’entre eux, mais ce n’était pas le meilleur moment car ils avaient déjà des problèmes pour pérenniser les artistes de leur catalogue.

Adrien : Mais on aimerait bien le sortir en vinyle oui, c’est aussi pour ça qu’on se prend un peu la tête sur le visuel, pour avoir un bel objet à présenter.

Avez vous l’habitude d’expérimenter vos nouveaux titres sur scène ?

Martin : Oui et malgré le contexte on a quand même réussi à jouer quelques morceaux du nouvel album, vu qu’on a un ou deux titres qui tournent depuis 1 an et demi. On a pu également en tester lors du dernier concert au Trabendo. Pour les autres, ça va être la surprise.

Adrien : Il y a aussi le fait que lorsque les gens écoutent les titres avant, ils vont forcément plus marcher en live. Certains ont besoin de les connaitre avant, pour pouvoir les apprécier davantage en concert.

Est-ce que l’album sera dans la même tonalité que le EP ou êtes-vous partis dans des directions différentes ?

Martin : L’album sera différent, il y a beaucoup plus d’énergie, c’est beaucoup plus violent et sombre que ne pouvait l’être Times, New Romance. Maintenant, on n’a pas complètement craqué et on retrouve l’ADN de Territory.

Adrien : On garde une certaine mélancolie en y ajoutant un son plus lourd. La voix n’est plus travaillée de la même façon également, elle est beaucoup plus assumée, mixée plus en avant et moins noyée dans une longue réverbe.

Concert à la Boule noire 2020 (© Sarah Willmeroth)

Passer du temps en studio, c’est un plaisir ou une contrainte en attendant de pouvoir jouer sur scène ?

Martin : Personnellement j’adore les deux, le studio et les concerts.

Adrien : Avant je préférais le live mais ça s’inverse et je commence à préférer le studio. J’aime bien me prendre la tête des journées entières sur un son. Il y a toujours une part d’inconnue en studio même si tu sais ce que tu vas enregistrer. 

Martin : Avec Adrien on a retravaillé récemment un morceau qui sonnait un peu comme le EP. A la fin de la journée il n’avait plus rien à voir avec ce qu’il était initialement. La seule chose que l’on a gardé du morceau, c’était le tempo.

Le danger de retravailler les titres en quête d’une perfection inaccessible, c’est de ne jamais les terminer …

Martin : Tout à fait, prends l’exemple de Kevin Shield de My Bloody Valentine, l’enregistrement de leur album Loveless a duré trois ans et a coûté 250 000 livres, ça a failli faire couler leur label Creation. Il faut prendre conscience que l’erreur fait partie du processus de création, la quête de l’album parfait peut ruiner la vie.

Tous vos textes sont en anglais, pourquoi ce choix ?

Adrien : Avec mes premiers groupes, j’ai toujours chanté en anglais par timidité, pour me cacher un petit peu, mais c’est en fait quelque chose de très naturel. Depuis gamin, j’ai toujours été plus proche de la culture anglaise et américaine. Je ne dis pas que je ferais jamais de texte en français, mais pour l’instant je n’en éprouve pas l’envie, et pour le style de musique que nous faisons je trouve que ça s’y prête mieux.

Merci à Adrien et Martin d’avoir répondu à mes questions.

Une playlist présentant les principales influences du prochain album est en écoute ici

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