Kompromat : sueurs froides et beats brûlants
Depuis leurs débuts en 2019 avec l’album Traum und Existenz, Kompromat s’est imposé comme l’un des duos les plus singuliers de la scène électro française. Formé par Rebeka Warrior et Vitalic, le duo mélange rythmes industriels, influence techno berlinoise, et cold wave pour créer une expérience sonore à la fois hypnotique et viscérale. Avec leur nouvel album Playing / Praying, Kompromat semble amorcer un virage. Là où leur premier opus nous plongeait dans des atmosphères sombres et introspectives, ce deuxième chapitre apporte une lumière inattendue. Entre beats percutants et envolées plus mélodiques, le duo explore des thèmes plus lumineux sans perdre de leur intensité brute. Une prière, peut-être, mais toujours sous tension.
En 2021, l’aventure Kompromat prenait fin après la parution de l’album Traum und Existenz, quels ont été les moteurs de cette reformation ?
Rebeka : A vrai dire nous avions annoncé la fin de la tournée à cause de la pandémie mais nous n’avons jamais pensé arrêter le groupe.
Le premier album avait comme particularité d’être chanté en allemand, langue abandonnée au profit de l’Anglais et du Français sur PLДYING / PRДYING, pour quelles raisons ?
Rebeka : Cela vient du fait que sur le premier album je ne voulais pas chanter dans une langue que je comprenais. Je voulais une langue toute neuve. J’ai donc appris l’allemand spécifiquement pour Traum und Existenz. J’étais dans une période de ma vie compliquée et j’avais la sensation qu’il fallait repartir de zéro. Dire des choses nouvelles avec des mots nouveaux.
Pour PLДYING / PRДYING je n’avais plus cet impératif et je suis revenu à des langues que je maîtrisais bien mieux et depuis plus longtemps (dont ma langue maternelle).
Vitalic : Nous utilisons les langues comme des outils, comme de la matière sonore. L’allemand apportait quelque chose pour le premier LP qui n’était plus opportun pour ce disque-là. Peut-être utiliserons-nous une autre langue pour un autre disque.
Le nouvel album me semble plus lumineux, moins mélancolique que le premier. Votre état d’esprit était-il différent que lors de l’écriture de Traum und Existenz ?
Rebeka : Notre état d’esprit n’est plus le même. Nous racontons plus ou moins les mêmes choses mais de manière plus lumineuse. Pour les compositions nous avons naturellement été dans des sonorités moins graves, moins basses et ouvert le spectre. Rien n’a été prémédité, nous avons juste évolué vers ça.
Vitalic : Nous avons eu aussi une approche différente avec le matériel que l’on a utilisé. Le premier album était composé avec du matériel exclusivement analogique. Cet album a été écrit avec un mix de matériel analogique, mais aussi des synthés numériques pour apporter plus d’air entre les sons. Trouver d’autres textures.
Sur les 10 titres de l’album, 7 contiennent des featuring. Quels sont les critères que vous prenez en compte pour décider d’apporter une collaboration sur un titre ?
Rebeka : Dès la genèse du disque nous avions en tête de faire intervenir plusieurs voix pour incarner les voix du passé et du futur (Vimala Pons et Sonia Deville – Ce sont des amies proches). Je voulais être la seule voix du présent. Nous avons ensuite pensé naturellement à Rahim car son album Paranoïa, angels, true love a été un disque essentiel pour nous. C’est un disque qui s’adresse autant à nos multiples personnalités qu’au divin (au sens spirituelle et non pas religieux). Farah est aussi une artiste qui utilise le chant comme une prière moderne. Farah est aussi notre artiste commune préférée avec Vitalic. Nous avons donc rassemblé les voix qui nous paraissaient fondamentales pour PLДYING / PRДYING .
L’actrice Adèle Haenel avait participé sur un titre du précédent album, ici c’est l’actrice/metteuse en scène Vimala Pons qui pose sa voix sur un morceau. Créer des ponts entre votre musique et des artistes d’autres horizons c’est quelque chose d’important ?
Rebeka : Nous nous entourons de gens proches au moment de la création. Il parait aussi assez naturel de collaborer avec des acteur.ices car ce sont les spécialistes de voix et personnalités multiples. Elles peuvent symboliser des personnages différents, ce qui me semble important sur le récit des albums de KOMPROMAT.
Vitalic: L’intention sur le premier album ne nous a pas poussé à chercher des collaborations. Ce disque là ayant une intention différente, dès le début, nous avons eu envie de faire participer les gens qu’on aime, et ouvrir à ceux qui ont une influence sur l’écriture de KOMPROMAT.

Comment s’est organisée votre collaboration pour l’écriture de cet album ?
Rebeka : J’adore travailler avec Vitalic car nous sommes relativement souples et sur la même longueur d’ondes. En général l’un de nous propose un petit extrait de composition, basse, drums, top line, voire même un titre, et ensuite nous déroulons. Nous faisons un ping pong dans nos studios respectifs puis nous nous retrouvons pour finaliser ensemble.
Vitalic: l’écriture est assez fluide, sans trop de retours entre les deux studios. Les moments d’écriture ensemble à quatre mains sont primordiaux, c’est la que toutes les pièces du puzzle s’assemblent. C’est le plus satisfaisant et celui où nous donnons le meilleur de nous-mêmes.
Les clips/photos liés à Kompromat sont particulièrement marquants visuellement, quelle place occupe l’image dans votre projet ?
Rebeka : Une place aussi importante que la musique. Nous sommes attentifs à tous les aspects du projet, à l’image autant qu’à la scène. Pour le disque PLДYING / PRДYING notre source d’inspiration première à été le film Orphée de Cocteau. On retrouve énormément de cette inspiration dans la pochette de l’album (Théo Mercier), dans les photos de presse (Maxime Ballesteros) dans les clips, les vidéos (Simon Reith, MARA .. ) que dans la mise en scène (Jean Maxence Chagnon). Nous avons pris soin d’être en phase à 360 degrés.
Vous allez être en tournée l’année prochaine pour défendre ce nouvel album. Vitalic, vous avez l’habitude d’être seul lors de vos set, est ce que le fait de partager la scène avec Rebeka vous fait appréhender cet exercice de façon différente ?
Vitalic : pour mon troisième album, j’ai déjà effectué une tournée avec deux musiciens. Même si ce n’était pas la même chose puisque nous n’avions pas écrit l’album ensemble, je connais la sensation d’être à plusieurs sur scène. En ce qui concerne les lives de KOMPROMAT, nous ne nous contentons pas de jouer les titres de l’album avec des machines. Il y a tout un jeu entre nous qui consiste à s’éloigner de l’original, laisser de longues plages d’improvisation. Très régulièrement, nous apportons des choses nouvelles dans l’interprétation qui n’ont pas été écrite à l’avance et qui laissent la place à la surprise pour l’autre. À une époque où le live électronique est de plus en plus écrit et peaufiné, nous prenons la direction inverse.
Le clip du titre I left myself go blind a été réalisé par Simon Reith, c’est son travail sur le long métrage Nos cérémonies qui vous a donné l’envie de collaborer avec lui ?
Rebeka : Oui, car le film aborde l’au-delà et le mystique d’une façon très sensible. Nous pensons aussi que PLДYING / PRДYING doit être abordé comme une cérémonie moderne ou le jeu et la prière (spirituelle et non pas religieuse) se confondent. Il semble alors important de s’entourer d’artistes qui aborde les mêmes sujets que nous avec des mediums différents.
L’album se conclut avec le titre Intelligence artificielle. Pensez-vous que cette IA pourrait être un danger ou au contraire apporter un nouvel élan à la création musicale ?
Rebeka : L’IA est notre nouveau dieu. Donc autant une bénédiction qu’un danger. A nous de savoir l’utiliser.
Vitalic : Le sujet est surtout l’occasion de présenter un morceau bien mental et torturé sur le disque.
Merci à Rebeka Warior et Vitalic de nous avoir accordé cet entretien.

