Label To Good To Be True
Loin du jambon beurre aseptisé d’une major parisienne, le tout jeune label Brestois To Good To Be True régale nos oreilles avec leurs galettes artisanales pures pop. Aidés de Nathalie et de sa petite imprimerie, Reno et Emmanuel portent une attention particulière au design et au packaging d’éditions qu’ils souhaitent uniques. Si le label ne suit aucune direction musicale précise, les petits protégés de la structure associative naviguent entre la twee pop de Sarah Records et la mélancolie urbaine de Factory.
Emmanuel pourrais-tu nous présenter l’équipe de To Good To Be True ?
Nous sommes trois à travailler pour le label, Reno, Nathalie et moi. Nathalie est graphiste et dirige Super Banco, une petite imprimerie artisanale. Reno, accompagné de Christophe, gère le magasin de disques Bad Seeds basé à Brest, ainsi que le label Music For The Masses, dont le but est de promouvoir la scène pop rock locale. Moi je ne suis pas du tout dans le domaine de la musique mais c’est ma passion depuis des années.
Votre page bandcamp indique que le label a été construit sur les cendres de beko, peux-tu nous en dire plus sur ce label ?
C’est Reno et Benoît qui ont créé ce label, qui était au départ uniquement sous forme digitale. Le concept était le suivant : sortir tous les dimanches soir un single de 2 ou 3 titres sous forme d’un 45T avec sa pochette propre en téléchargement gratuit. Il y a également eu de temps en temps des albums et des compilations pour présenter des artistes d’autres maisons de disques. Cette phase aura duré 3 ans et aura permis de sortir 100 singles. Après cette période purement digitale, il a voulu orienter beko vers des supports physiques. Évidemment le rythme s’est du fait ralenti mais une soixantaine de références (45 tours, albums et compilations) a quand même été éditée. Beko s’est arrêté après 10 ans d’activité, l’intérêt de Reno pour le label c’était un petit peu effrité, et économiquement ça se vendait moins bien. Il y a eu un désintérêt du public pour le disque, les premiers tirages sortaient à 300 voir 500 exemplaires, et pour les derniers on en a tiré 100 et vendu la moitié …
Quel était l’objectif de beko ? De donner de la visibilité à des groupes, qui en avaient pas ou peu ?
Oui c’est ça, le but c’était de découvrir des groupes et d’essayer de les mettre en avant. On ne souhaitait pas juste sortir un album mais continuer ensuite avec eux, dans la mesure de nos moyens. Évidemment beko n’était pas la bonne structure lorsqu’un groupe avait un fort potentiel, mais il pouvait être un tremplin pour leur permettre de signer sur des labels plus importants. Certains ont d’ailleurs eu une belle carrière comme La Femme, Death And Vanilla, Memoryhouse ou Yuko Yuko.
L’aventure To Good To Be True a débuté à quel moment ?
Trois ans après la fin de beko, Reno désirait créer un label qui puisse sortir des artistes internationaux, en parallèle de ce qu’il faisait avec Music For The Masses, et il m’a demandé si je voulais y participer. Comme il était toujours en contact avec certains artistes de beko, il continuait à recevoir des démos et des albums. Une des idées derrière le label c’était de faire de beaux objets et de les proposer à un prix raisonnable. Il n’y a pas à proprement parler de contrat avec les artistes, les enjeux financiers sont très réduits. Les groupes sont contents d’avoir un label qui crée physiquement leur disque et leur permet d’avoir une visibilité. La structure de To Good To Be True est une association à but non lucratif, on veut juste pouvoir s’équilibrer financièrement. Si on gagne de l’argent on le réinvestit et cela nous permet de prendre un peu plus de risques avec d’autres groupes.
Quels sont vos circuits de distribution ?
L’essentiel se fait via bandcamp, et on a aussi maintenant quelques magasins qui nous contactent et nous commandent directement des disques, surtout suite à la mise en lumière du label, après la sortie du Moscow Olympics.
Le label a-t-il une direction musicale ?
Reno et moi nous sommes fans de pop, donc c’est clairement dans ce genre-là que va aller le label, mais c’est un style musical très large. Nous sommes notamment fans de Factory, donc ça peut être de la pop anglaise à guitare, mais aussi des musiques teintées d’électronique, il faut juste que l’on soit tous les deux d’accord avant de sortir un groupe.
Il y a une attention particulière apportée à l’aspect graphique des albums, au packaging
Oui dès le départ c’était notre volonté. Évidemment il y a l’aspect musical qui est primordial, mais l’identité du label passe également par le graphisme. On ne veut vraiment pas sortir des CD ou des vinyles basiques, on essaie de faire en sorte que l’objet soit un peu unique. Pour les CD, ça reste des petits tirages, on peut se permettre de les faire de manière artisanale, c’est un peu plus compliqué pour des vinyles que l’on sort à 500 exemplaires comme pour Moscow Olympics, même si on a quand même fait un travail sur la pochette. Les 3 premiers CD ont été imprimés en risographie, utilisée par Nathalie qui se situe entre la photocopie et la sérigraphie. Les couleurs sont imprimées en plusieurs passes, jusqu’à 4 différentes, cela donne un grain particulier.
Comment se fait la collaboration avec les groupes autour du visuel ?
Cela dépend de beaucoup de choses, pour Ski Saigon le groupe nous a donné d’anciennes photos que le chanteur avait chinées au cours de voyages. Nathalie les a récupérées et a conçu le livret à partir de ça. Dumb Train nous a fourni le livret qu’ils avaient conçu pour leur album et nous l’avons juste un peu retravaillé. Pour Beach Vacation on ne voulait pas utiliser la même pochette que pour leur sortie cassette et Reno a eu l’idée de faire une sorte de fascicule de voyage plié en trois.
Le côté artisanal de votre projet et la tonalité du catalogue rappellent ce que faisait le label Anglais Sarah Record au début des années 90. Est-ce qu’il a pu être un modèle lors de la création de To Good To Be True ?
Oui, Reno et moi nous sommes fans de ce label, j’ai quasiment tous leurs disques et j’ai vu pas mal de fois leurs groupes en concert. L’esprit de Sarah Record fait partie des choses qui ont poussé Reno à lancer des labels. Beko s’est arrêté après 100 singles digitaux, c’est clairement un clin d’œil aux 100 références de Sarah Record. Tout comme le fait de maîtriser le côté graphique, la production du disque, de faire les choses de manière artisanale. La comparaison s’arrête là car Sarah vendait beaucoup plus de disques que nous. Ce n’est pas la même époque non plus, il n’y avait pas de CD ni de supports digitaux, et sortir un 45 tours de nos jours revient presque au même prix que sortir un album.
Pouvez-vous nous présenter les 4 artistes, qui sont déjà parus sur le label ?
Ski Saigon
Il s’agit de la première sortie du label, c’est un groupe londonien de 5 membres, dont certain membres avaient déjà sortis 2 EPs et un album sur beko disques sous le nom de Mooncreatures. Le groupe est assez inspiré par les voyages, notamment l’Asie. Rhys Griffiths, le chanteur et guitariste du groupe, a proposé l’album à Reno en 2020, et après l’avoir écouté j’ai trouvé dommage que cet album n’ai pas trouvé son public. On a sorti 150 copies du CD qui est sold out maintenant. Avant de sortir l’album on a mis plusieurs titres en écoute, avec un visuel différent à chaque fois et un petit texte de présentation, écrit par le groupe.
Dumb Train
Ce sont des québécois francophones, le CD que l’on a sorti est entièrement en français, alors que celui édité par beko disques « Petite Nature » était en anglais, ce dernier est d’ailleurs un de mes albums préférés du label. Ils font de la pop électronique. Ils ont la particularité de faire un effort sur leurs vidéos, qui sont bien travaillées. L’album est en fait la réunion de 2 EP mais comme il y a une cohérence entre les deux cela ne se ressent pas. C’est un trio qui a toujours su faire évoluer son son, un véritable coup de coeur !
Moscow Olympics
Ce sont 4 philippins dont la carrière a durée 8 ans et qui ont sorti un seul album. Reno est très ami avec deux membres du groupes, Melanie et Richard. Après plusieurs collaborations, digitales et physiques, il avait déjà en tête de les rééditer avec beko sans que cela ne puisse se concrétiser. La sortie de Cut The World a donc été le premier projet de To Good To Be True. Comme le groupe était séparé depuis des années, c’était un peu compliqué à organiser, il y a eu plusieurs semaines de discussion, mais finalement notre projet les a convaincus. L’album contient les 7 titres initiaux agrémentés de 3 singles et tous les titres ont été remasterisés. On ne savait pas trop comment ça allait se passer mais on était confiants pour équilibrer les ventes. Quand on a annoncé la sortie de la réédition en mai, on a eu pas mal de réactions sur notre page FB et Instagram, notamment provenant des Philippines où ils gardent une bonne côte. Au départ, nous étions partis sur 500 copies et nous nous étions mis d’accord avec le groupe pour ne pas dépasser les 1000. Finalement, le jour de la précommande les 500 copies sont parties en 24h ! Le groupe ne souhaitait pas augmenter le tirage de la première édition, mais était Ok pour une deuxième édition de 500 exemplaires différente de la première, afin que cela reste un objet unique. Le but de la réédition était aussi de couper court aux prix abusifs sur discog, où l’on trouve le CD à plus de 100€…
Beach Vacation
C’est un duo américain originaire de Portland. Reno les a découverts sur bandcamp. Leur disque était uniquement sorti en cassette à 70 exemplaires sur Z Tapes et en vinyle à 100 copies, on les a contactés et on leur a proposé de le sortir en version CD. Ca s’est fait très rapidement, en moins d’un mois la sortie était réglée, ils étaient ravis qu’un label européen s’intéresse à eux. Comme ils enregistrent beaucoup, on a pu ajouter un single et une démo en plus sur le CD.
Quelles vont être les prochaines sorties ?
On ne s’est pas fixé de fréquence de sorties, on souhaitait juste qu’elles soient plus faibles que celles de beko, qui nous semblait beaucoup trop élevées. On va sortir deux CD à la rentrée. Le premier sera l’album de 122 North, un artiste canadien qui fait une électro pop proche de New Order période Technique, et le deuxième celui d’un tout nouveau groupe Français, Meyverlin, qui nous a fait parvenir une de leur démos. Nous travaillons également sur notre prochaine sortie vinyle…
Merci à Emmanuel et Reno de m’avoir accordé cet entretien.
Le bandcamp du label est accessible ici
Playlist d’artistes sortis sur le label :